Le moulin Richard de bas
Depuis quelques années déjà, la fabrication artisanale du papier me titille. À l’époque, j’avais parcouru le net en quête d’informations. J’aurais bien aimé mettre la main à la pâte mais j’avais découvert que le processus était long et fastidieux.
Il m’aurait fallu récolter un grand nombre de plantes très fibreuses, puis les laisser pourrir (rouissage) pendant une année complète dans de l’eau. Ou, au choix, cuire ces plantes en très grande quantité dans un gros volume d’eau (au moins 100 litres) pendant de nombreuses heures (3 à 24 heures), puis les battre tout de suite après leur cuisson pour obtenir une quantité minime de pulpe ! Le tout devant être minutieusement rincé, et pour cela, demandant énormément d’eau.
Bref, je n’ai pas cherché à aller plus loin. J’ai préféré mettre cette idée de côté, laisser cela à des professionnels largement outillés et visiter à l’occasion le célèbre moulin Richard de bas qui se trouve non loin de chez nous.
L’occasion s’est présentée récemment et j’ai été émerveillée par la découverte des secrets de la fabrication de leur papier, secrets probablement ramenés des Croisades, aujourd’hui à peine modifiés. Ce moulin utilisé pour la papeterie depuis le 1326 est toujours en fonction.
Leur technique est parfaitement propre. Ils confectionnent leur papier à partir de tissu blanc acheté auprès de chiffonniers comme Emmaüs. Ce choix de récupérer du tissu blanc leur permet de ne pas utiliser de chlore pour blanchir le futur papier et ainsi de ne pas polluer la rivière.
À l’aide de piles à maillets armés, le tissu est battu, broyé et mouillé pendant 35 heures pour obtenir la fameuse pâte à papier. C’est durant les 12 dernières heures qu’une colle est ajoutée. Sans colle, le papier serait semblable à du buvard. Dans le temps, le papier était trempé dans une colle animale, préparée à partir des déchets alimentaires cumulés au fil de l’année : peau de lapin, arrêtes de poisson, os, etc, le tout bouillit longuement. Aujourd’hui, on l’a remplacée par la résine de pin.
C’est grâce à la roue à aubes que la mécanique des piles à maillet est entrainée. On mélange ensuite la pâte à de l’eau tiédie puis on forme le papier à l’aide d’un tamis, appelé « forme », et d’un feutre de laine. On presse ensuite le papier obtenu pour extraire l’eau à l’aide d’un pressoir à cabestan. La pression exercée est de quarante tonnes. On pratique ensuite le « levage », c’est à dire qu’on sépare les feuilles encore humides de leur feutre, puis on termine le séchage des feuilles au grenier, aux « étendoirs ».
Dans ce moulin, lors de la période estivale, des fleurs sont cultivées pour décorer le papier. Le choix des fleurs se fait en fonction de la résistance et stabilité des couleurs à la lumière et dans le temps de leurs pétales : soucis, bleuets des champs, pointes de fougères des ruisseaux et centaurées sauvages.
Je pense y retourner prochainement et suivre l’atelier initiatique… Avant de me lancer dans l’aventure à la maison, je n’y renonce pas ! D’ailleurs, je donnerai à l’occasion quelques recettes que j’avais compilé en vue de diverses tambouilles…
Et en attendant, je posterai bientôt des photos de mes travaux réalisés sur le papier aquarelle du moulin :)
En pleine montagne ambertoise !