Voici un nouvel extrait de Life, paint and Passion par Michele Cassou et Stewart Cubley. Editions Tarcher Putman.
Traduction Libellune.
Qu’est-ce que la laideur ?
M. C.
Que la beauté que nous aimons soit ce que nous faisons. Rumi.
Un jour, alors que j’étais en train de peindre avec des enfants, j’ai voulu représenter un chêne tortueux. Avec grand enthousiasme, j’ai trempé mon pinceau dans de la peinture marron. Mais, alors que je le faisais glisser sur le papier, je restais perplexe, car mon arbre ne ressemblait pas à l’idée que j’en avais. J’ai tenté de créer un tronc noueux, mais ça l’a simplement rendu gros ; j’ai essayé de représenter des branches tortueuses, mais elles se retombaient vers le sol. J’ai continué à peindre et à batailler, mais rien ne semblait vouloir marcher comme je le voulais. Je devais admettre que je manquais du sens des couleurs, des formes et des proportions. Pourtant, au fond de moi, le sentiment était clair, intense et magnifique. Quel contraste !
J’ai jeté un regard circulaire à la pièce, où quinze enfants étaient en train de peindre avec enthousiasme, et chacun d’eux semblait faire mieux que moi. « Je ne sais même pas peindre comme un enfant de quatre ans, » me dis-je. « Non seulement je n’ai aucun talent, mais tout ce que je fais est moche. » Tandis que je me complaisais dans ce genre de pensées déprimantes, une adorable petite fille de 7 ans vint vers moi et contempla ma peinture avec grande attention. Ensuite, elle me regarda dans les yeux et dans une bouffée d’émotions déclara : » j’adore vraiment votre peinture. »
Je n’oublierai jamais l’impact de ses mots ; elle m’avait réveillée d’un cauchemar. Son affirmation m’a montré que tout jugement est relatif et subjectif. Ma peinture était belle si on la regardait différemment. En un instant, j’ai vu et compris toutes les implications de la critique qui nous paralysent ; comment cette critique tuait l’innocence et l’enthousiasme, et pire de tout, comment elle détruisait le pouvoir et l’énergie de création. À cet instant, j’ai senti ma vieille habitude de jugement mourir en moi. J’ai su que la création était quelque chose de très simple, libre de tout succès et échec, beauté et laideur, commentaire et opinion. Maintenant, je peux peindre.
♥
Si le jugement qui vous dit « c’est moche » persiste, tentez de réaliser intentionnellement une peinture laide. Cela peut vous libérer efficacement de la « tyrannie du bon ou du mauvais ».
C’est exactement ce qu’exprime ton aquarelle. Quand je la regarde, j’ai l’impression de regarder un mandala : quelque chose que l’on crée sans but final particulier, juste parce que c’est le moment qui veut ça (je ne sais pas si je suis claire, là…)
Oui tu l’es :)
Quand on participe à l’atelier que l’on organise c’est presque mathématique d’être moins ‘bon’ que les participants. Y a trop de choses à prendre en compte. Impensable de ne pas sentir nulle et seule dans ces moments qui semblent une éternité. On est déçu bien souvent de ses œuvres parce qu’elles restent notre propriété. L’éveil à la peinture passe obligatoirement par une tierce personne même quand on est animatrice-prof-artiste dans le même package. Dans le cadre d’un atelier ou cours c’est rien car ce qui prime c’est l’élève à éveiller. Par la patience et les mots, on va le mettre face à sa création dont il a l’idée mais ne sait encore la représenter sans nous en dire tous les défauts. Rediriger l’attention par d’autres mots qui expriment l’idée de base et, là, magie magie, l’élève peut continuer sur sa feuille, en commencer une nouvelle et se dire : je peux peindre.