Cela faisait longtemps que je n’avais plus ouvert l’un de mes livres favoris : Life, Paint and Passion par Michèle Cassous et Stewart Cubley. Voilà qui est réparé et pour la peine, je partage le passage sur lequel je suis tombée au hasard hier.
Traduction et adaptation : Libellune.
Le mur de briques : blocages créatifs.
« Faire ce à quoi le sort me destine est ma propre intention. »
Carl Jung
Soyons clairs, je ne crois pas aux blocages créatifs car après avoir enseigné pendant de nombreuses années et peint des milliers de tableaux, je n’en ai jamais rencontré aucun. Puisque leur existence est prise pour acquis, parlons un peu de ces fameux fantômes.
Un blocage est vécu comme un sentiment de vide sans savoir quoi y faire. Même le moindre petit trait semble aride et vide, et vous n’éprouvez plus aucun désir si ce n’est de renoncer. Ce qui marchait auparavant ne vous satisfait plus. Vous vous sentez découragé ou frustré, ou tout simplement vous vous fichez de tout. Ceci m’a été décrit comme « foncer droit dans un mur de briques ».
Ce que nous appelons des blocages sont des périodes de transition. Parfois elles sont intimidantes, mais lorsque vous y réfléchissez, un blocage n’est qu’une période de changement. Quelque chose de drastiquement différent de ce qui a été peint essaie d’émerger, et vous le repoussez, consciemment ou inconsciemment. Vous vous sentez vide parce que c’est bien trop plein à l’intérieur et la pression donne l’illusion de vacuité.
C’est le moment de briser les frontières érigées par l’image de soi, pour trouver la faille dans ce mur de briques. L’une des façons de procéder consiste à laisser votre pinceau faire le travail à votre place. Prenez une couleur sans la choisir. Puis laissez le pinceau peindre ce qu’il veut, non pas ce que vous voulez (un point, une ligne, une tâche, n’importe quoi.) Cela peut être très grand ou très petit, mais cela doit être réalisé immédiatement, avant que vous ne puissiez penser.
Cette approche a une façon mystérieuse de court-circuiter le directeur en vous, car on peint sans raison, et habituellement en quelques minutes la connexion avec le flot créatif est rétabli.
Vous pouvez également l’expérimenter en changeant la taille du pinceau :
- Si vous aviez l’habitude d’employer un pinceau large, changez pour un petit ;
- Si vous aviez l’habitude d’utiliser un petit pinceau, changez pour un gros.
Ne vous arrêtez pas en pensant que la peinture est déjà complète, presque terminée. Vous êtes dans une situation d’urgence et beaucoup de choses peuvent encore émerger. Les nouveaux éléments n’ont pas besoin d’être cohérents ; il y a toujours suffisamment d’espace pour ce que vous avez besoin de faire. Prendre une nouvelle feuille de papier aura raison de votre tentative. A la place, demandez-vous ce que vous feriez si :
- vous n’aviez pas peur de changer ou de gâcher votre peinture ;
- quelque chose pouvait entrer dans votre peinture de n’importe quel côté ;
- vous vous apprêtiez à peindre quelque chose de radical ;
- vous vous laissiez aller à oser, expérimenter, prendre un gros risque ;
- quelque chose de grand (ou un bout de quelque chose de grand) avait pénétré votre peinture.
Si vous n’obtenez pas beaucoup de réponses, posez-vous des questions plus surprenantes, que feriez-vous si :
- vous perdiez le contrôle pendant un moment ;
- vous peigniez la mauvaise chose ;
- vous peigniez quelque chose qui puisse vous déranger.
Vous pouvez aussi utiliser des personnages imaginaires pour donner le change à vos émotions. Par exemple, si une folle apparaissait à la porte maintenant et peignait sur votre peinture, que ferait-elle ? J’ai employé les services de cette folle durant des années. Elle a fait des merveilles dans les ateliers que nous avons donné.
Une fois, j’ai demandé à une étudiante pour qui rien ne semblait marcher, ce que sa sœur peindrait. Elle n’avait pas de sœur, mais elle a fait comme si. Pendant des jours, je lui ai demandé ce que sa sœur ferait, et une réponse venait instantanément, alors qu’elle-même restait totalement vide.
Bien sûr, toutes ces questions doivent être prises pleinement en considération et on doit y répondre dans le détail pour qu’elles portent leurs fruits. Je l’ai fait jusqu’à ce que cette étudiante éprouve à nouveau intérêt et passion, jusqu’à ce qu’une étincelle brille dans ses yeux.
L’ennui, la frustration et la fatigue ne sont pas des indicateurs pour s’arrêter ; ce sont les signes que vous ne faites pas ce que vous voulez vraiment faire. C’est important de ne pas laisser tomber, mais de répondre au défi de ce fameux mur de briques. Si vous abandonnez, vous n’apprendrez jamais de ces soi-disant blocages et vous pourriez vous décourager de peindre à nouveau. Lorsque vous faites face au mur avec créativité, vous réalisez que vous ne devez pas vous sentir impuissant face à la peinture, parce qu’il y a toujours des possibilités. Vous développez foi en vous-même et voyez que votre capacité à créer ne doit jamais être mise en doute ou stoppée. Vous gagnez le goût du suspens et ce mouvement (dans le sens de changement/mutation/évolution) inattendu qui est à votre recherche commence à vous intriguer. Cela peut vous attirer comme vous repousser, cela peut être redoutable comme exaltant, mais cela vous (r)éveillera.
Merci Libellune, je partage et je me le mets de côté.