La naissance du Journal Créatif

Photo : Jim Ruebsamen, Santa Monica Evening Outlook.

Le Journal Créatif est « l’invention », dans les années 70, de l’art-thérapeute, psychologue, auteur et artiste américaine Lucia Cappachione. J’avais envie de partager un peu de son Creative Journal, pour donner un aperçu de ses techniques et puis je me suis dit que son entrée en matière était vraiment belle. C’est de ce travail qu’Anne-Marie Jobin s’est largement inspirée pour faire son livre, ses ateliers, sa formation.

Tenir un Journal Créatif, c’est quoi ?

Comment tout à commencer

Mon propre journal est né durant une période de crise personnelle. J’étais arrivée dans une impasse après avoir traversé une rapide série de changements importants. En quatre ans, j’avais divorcé, déménagé quatre fois, et eu plusieurs jobs différents en free-lance en tant que consultante en design et en éducation. J’élevais également mes deux jeunes filles.

Je sais maintenant que le fruit de sérieuses introspections sont inestimables. Mais l’exploration de soi-même prend du temps, demande de la solitude et du courage. Cela peut être très douloureux. J’avais survécu à quelques années lourdes de crise et réussi à remettre à plus tard ma confrontation avec moi-même. Mais le stress de faire face à tout ces changements me rattrapa finalement et, en 1973, je tombai malade et devins incapable de travailler durant de nombreuses semaines. J’étais pleine de confusion vis-à-vis de la direction de ma carrière comme de ma vie personnelle. Le temps était venu pour moi de m’arrêter et de réfléchir.

Lorsque je tombai malade, les années de douleur et de confusion surgirent tels des monstres primitifs des profondeurs. Je devais faire face à ces « monstres » ou me noyer. Il y eut de nombreuses nuits durant lesquelles je pensai sombrer pour la dernière fois. Je vivais dans la peur de mourir. L’étrange paradoxe, c’est qu’en me confrontant à ma peur de la mort, je me trouvai moi-même et je me créai une nouvelle vie.

Alors que je m’asseyais dans mon lit en m’interrogeant sur comment et pourquoi j’allais me rétablir, j’eus beaucoup de temps pour réfléchir sur ma vie. Je lus beaucoup et dessinai. Je lus L’homme et ses symboles de C.G. Jung et les quatre premiers volumes du Journal d’Anaïs Nin. Ces livres devaient ensuite avoir un profond effet sur mon art, mon travail avec les gens, et ma vie en général.

J’étais particulièrement touchée par les mots d’Anaïs Nin et je sentais qu’elle me parlait directement. En lisant son Journal, je vis que le journal pouvait être un excellent outil pour révéler le Soi, à soi-même, au service de la croissance personnelle. Ainsi, je commençai à tenir un journal et c’est là que je connus la consolation de la libération.

Mon journal débuta comme un compte-rendu de mes sentiments et pensées intimes, un dialogue avec moi-même. En quelques mois, je développai la conscience et le courage de suivre une psychothérapie pour la première fois. Peu de temps après avoir entrepris la thérapie, je commençai à revenir à la vie et, comme je continuais à retrouver énergie et santé, mon mouvement interne se refléta dans les pages du journal. Je commençai à dessiner, à écrire des poèmes, à intégrer des mots et des images organisés ensemble (ndlt : aujourd’hui connu sous le terme de « technique mot-image ») et qui se déversaient sur les pages. Les pages que j’avais rempli de petites et soigneuses lignes d’écriture manuscrite étaient en train d’éclater en des comptes-rendus graphiques et poétiques de mes voyages intérieurs. J’étais bel et bien vivante et je m’exprimais d’une nouvelle manière.

Tandis que je continuais à me déverser dans mon journal, je trouvai spontanément des techniques avec hypersensibilité, aidée par le processus d’introspection, et cela contribua à briser de nombreux blocages. La première année durant laquelle j’ai tenu mon journal, je suis passée de la plus noire dépression à un nuage gris de confusion pour enfin émerger à la lumière du soleil. Tandis que mon œil intérieur s’accoutumait graduellement à la lumière, je pus voir mon futur et marcher avec empressement à sa rencontre. J’étais morte et je renaissais.

Un an et demi après avoir commencé le journal, j’entrai à l’université de psychologie, en troisième cycle, et m’orientai en art-thérapie où je combinai ma formation et mon expérience en tant qu’artiste/enseignante avec un intérêt passionné pour le développement humain. Bien sûr, je continuai à utiliser l’art comme une thérapie dans mon propre journal, développant davantage d’exercices sur les sentiments, les pensées, les souhaits et les projets.

Pendant cette période universitaire, je rencontrai beaucoup de personnes qui tenaient un journal. Avec quelle excitation parlaient-elles du précieux processus de croissance personnelle qu’offre le journal ! Certaines d’entre elles avaient été inspirées par le Journal d’Anaïs Nin, comme je l’avais été moi-même. Je ressentais un profond sentiment de connexion avec toutes ces personnes qui tenaient un journal, et qui étaient en train de s’explorer elles-mêmes, discrètement, dans la solitude, retenues dans les gigantesques magasins de rêves cachés et potentiel créatif.

J’ai commencé à inclure des exercices du journal dans mes groupes d’art-thérapie et mes ateliers de créativité. A ces ateliers, les auteurs de journaux intimes ont surgi en masse de nulle part, ils avaient soif d’idées sur la manière d’utiliser leurs journaux plus productivement, dans un but d’auto-développement créatif. Encouragée par la réponse enthousiaste que j’avais obtenue, je mis en place un cours appelé : Le Journal Créatif : Trouver le Trésor Enfoui à l’Intérieur. Mon premier cours fut sponsorisé par la Y.W.C.A. de Santa Monica. Nous nous rencontrions en petits groupes, faisions les exercices ensemble, et partagions nos réactions et questions. Nous utilisions nos journaux pour libérer nos sentiments, pour faire des auto-évaluations, pour planifier nos carrières et les buts de nos vies, pour construire notre confiance, et dans un but d’expression créative par le biais des mots et de l’art graphique. Par-dessus tout, nous étions en train de développer et de renforcer notre estime de soi et notre pouvoir créatif, et c’est ce qui était le plus réjouissant pour moi. Le cours eut beaucoup de succès et j’ai continué à l’enseigner en privé et dans divers établissements d’enseignement supérieur et autres.

The Creative Journal, the Art of Finding Yourself. Par Lucia Capacchione, Ph. D. Traduction personnelle.

Photo : Jim Ruebsamen, Santa Monica Evening Outlook.